On voit tout le temps, en automne,
Quelque chose qui vous étonne,
C'est une branche tout à coup,
Qui s'effeuille dans votre cou.
C'est un petit arbre tout rouge,
Un, d'une autre couleur encor,
Et puis partout, ces feuilles d'or
Qui tombent sans que rien ne bouge.
Nous aimons bien cette saison,
Mais la nuit si tôt va descendre !
Retournons vite à la maison
Rôtir nos marrons dans la cendre.
Lucie Delarue-Mardrus
Dans la maison de grand-mère
Dans la maison de grand-mère,
si vous savez bien regarder,
Dans la maison de grand-mère,
il y a de drôles d'invités.
Une mouche prend sa douche au-dessous du robinet.
Deux fourmis font le ménage sur le plateau à fromages.
Une araignée lave ses pieds dans l'évier.
Un moustique prend sa pique pour boire un peu de café.
Une puce, quelle astuce, s'est glissée dans un panier.
Deux grillons filent la laine dans un bol en porcelaine.
Un scarabée mouche son nez tout doré.
Une loche, sous la cloche, sonne l'heure du dîner.
Une abeille se réveille dans le pot de cornichons.
Deux souris font des roulades sur les feuilles de salade.
Un doryphore, en matador, fait le mort.
Une guêpe fait des crêpes sur le dos d'un escargot.
Mannick
Ponctuation de Maurice Carême
- Ce n'est pas pour me vanter,
Disait la virgule,
Mais, sans mon jeu de pendule,
Les mots, tels des somnambules,
Ne feraient que se heurter.
- C'est possible, dit le point.
Mais je règne, moi,
Et les grandes majuscules
Se moquent toutes de toi
Et de ta queue minuscule.
- Ne soyez pas ridicules,
Dit le point-virgule,
On vous voit moins que la trace
De fourmis sur une glace.
Cessez vos conciliabules.
Ou, tous deux, je vous remplace !
La Puce Et Le Pianiste
Un jour, sur un piano,
Une puce élut domicile.
Elle posa son sac à dos,
Ses affaires de ville.
Elle avait beaucoup voyagé,
Beaucoup sauté, beaucoup piqué
Et pour ne pas qu'on la voie,
Sur une noire, elle s'installa.
Mais soudain, la lumière apparut.
Des sons frappèrent son oreille.
Une main lui marchait dessus.
Sa colère fut sans pareille.
Elle suivit ses évolutions
Avec des yeux pleins d'attention
Pour essayer de grimper
Sur la main qui l'avait piétinée.
Lorsqu'enfin, elle y parvint,
Elle affina son aiguille
Et se mit à piquer la main
Tout en dansant le quadrille,
Mais, soudain, la main s'agita
Et son rythme s'accéléra
Et la puce tout excitée,
De plus belle, se remit à piquer.
Dans la douleur et la démangeaison
La main se faisait plus rapide,
Ne suivait plus la partition
Et n'avait plus aucun guide
Mais dans la salle on applaudissait
Sans deviner que c'était
Grâce à une puce énervée
Que le jazz était né.